Beaucoup se réclament de la « république » ou des fameuses « valeurs républicaines » sans que le sens profond de ces notions soit toujours bien compris par ceux qui les emploient. De même, les termes de « république » et de « démocratie » sont souvent employés à tort indifféremment.
Rappelons d’abord que la république est un système dans lequel, à la différence de la monarchie, le pouvoir n’est pas héréditaire. Il est exercé par des représentants désignés par élection ou par nomination. La république n’est pas obligatoirement démocratique, elle peut être aristocratique comme l’étaient, dans l’antiquité, la République romaine et, au Moyen-âge, celle de Venise.
La république n’est pas toujours libérale, mais parfois dictatoriale, à l’instar de ce qu’elle est dans les régimes communistes ; elle n’est pas non plus obligatoirement laïque, mais parfois théocratique, comme dans l’Iran contemporain. Dans ces deux derniers cas, des petites minorités idéologiques ou religieuses confisquent le pouvoir au détriment du peuple opprimé. Seule la république authentiquement libérale, c’est-à-dire dégagée de l’influence des lobbies divers, économiques et communautaires notamment, peut être réellement démocratique et populaire.
La véritable démocratie octroie au peuple, directement, ou par le biais de représentants élus, le pouvoir de faire les lois. Elle suppose donc chez ceux-ci l’existence d’une véritable conscience morale et d’un sens réel de l’intérêt national, ce qui n’est plus guère le cas dans notre réalité post-démocratique contemporaine où le pouvoir des lobbies, la perte des valeurs transcendantes et le conditionnement idéologique contribuent à effondrer toujours plus l’esprit de discernement et de responsabilité des individus.
Il faut aussi distinguer entre deux conceptions de la république, l’une, institutionnelle, celle à laquelle la plupart d’entre nous nous référons, l’autre, messianique, que des petits groupes d’initiés potentiellement dangereux promeuvent.
La république institutionnelle est le mode de gouvernement d’un pays dans lequel le pouvoir est exercé par des représentants nationaux ayant le souci du bien commun. Ce pouvoir institutionnel républicain est l’émanation du substrat culturel et spirituel de l’entité nationale et ne se substitue aucunement à celle-ci, ainsi, la République française n’est pas la France, mais l’outil mis au service des intérêts de celle-ci.
La république peut aussi être perçue, par certaines minorités initiées, comme étant en elle-même une entité mystique qui se substituerait à la nation pour auto-engendrer un projet révolutionnaire de transformation radicale de la société. Il s’agit du fameux projet de « république universelle » qui ne relève plus du politique, mais d’un messianisme mondialiste qui vise à terme à dissoudre les nations.
Cette république universelle fut prônée, dès la Révolution de 1789, par Anacharsis Cloots, un aristocrate prussien qui se présentait en « citoyen du monde » et qui, une fois devenu français, se fit élire député à la Convention nationale, refusant obstinément d’associer les termes « République » et « française » car, disait-il, « tous les hommes voudront appartenir à la république universelle, mais tous les peuples ne voudront pas être français ». Soupçonnant de trahison celui qu’il ne percevait que comme un « baron prussien », Robespierre le fit guillotiner avec les hébertistes.
Plus tard, les révolutionnaires de 1848 reprirent sans succès ce fantasme, puis, à partir de 1917, les bolchéviks tenteront eux aussi, en vain, de le réaliser en déstabilisant les nations au nom de la révolution internationale et permanente chère à Trotski. La république universelle, c’est la république communiste dans laquelle le mot « démocratie » est lui-même subverti pour former la très mal nommée « démocratie populaire » qu’il serait plus judicieux de qualifier de stalinienne puisque définie, au cours des années trente, par le tyran soviétique.
En 1937, le républicain, José Diaz, secrétaire général du Parti communiste espagnol, avait précisé à propos de celle-ci : « Nous combattons pour une république démocratique et parlementaire d’un nouveau type (…). Nous combattons pour détruire les fondations matérielles de la réaction et du fascisme : car sans leur destruction, aucune vraie démocratie politique ne peut exister ». Ainsi, la démocratie populaire, en amalgamant avec le fascisme tout ce qui n’entrait pas dans les cadres du marxisme-léninisme, visait à éradiquer toute forme d’opposition démocratique.
Aujourd’hui, le messianisme républicain demeure dans ce que l’on nomme le « progressisme » d’inspiration socialiste. Dans son ouvrage, La Révolution française n’est pas terminée, l’ex-ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, voyait dans la république le moyen « d’inventer une métaphysique nouvelle et une religion nouvelle », le socialisme ayant plus précisément pour finalité « d’incarner la révolution religieuse dont l’humanité a besoin ». Il définissait cette république mystique s’auto-institutionalisant comme étant une « république pure (et) hors du temps au sein de la République réelle ».
Avec des accents trotskistes, il voyait encore dans le processus républicain, « une révolution pacifique mais permanente ». On est, là, bien loin de l’idéal de la république de l’An I défendue par la nation en armes à Valmy. La république de Peillon est celle de Robespierre et de Lénine, moins universelle qu’internationaliste et plus idéologique qu’humaniste.
Lorsque cet ancien ministre était en charge des intérêts de l’Etat, la conception subversive des institutions qui l’inspirait était-elle bien compatible avec la légalité républicaine ?