POST-Démocratie

Les nouvelles heures sombres de l'Histoire

Il est remarquable que la dictature
soit à présent contagieuse,
comme le fut autrefois la liberté

Paul Valéry

L’étrange appel contre la haine de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie

Bruno Riondel
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Dans le contexte de la campagne électorale, l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) a publié récemment, et sans tenir compte de la diversité idéologique de la profession, un étrange appel contre la haine :

« Attachée depuis 112 ans aux valeurs de la République, à l’humanisme universaliste et à la promesse de l’émancipation par l’instruction, l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) appelle tous les enseignants, de la maternelle à l’université, tous les chercheurs, tous les étudiants, tous les citoyens de ce beau pays de France, de quelque obédience politique qu’ils soient, à manifester, par la signature de cet appel, leur attachement à la supériorité de la vérité historique, qui se construit méthodiquement, sur l’opinion impulsive, au débat fondé sur des faits établis et des connaissances acquises, à la discussion respectueuse des personnes et à la construction d’une République généreuse et fraternelle dans laquelle le progrès est mis au service de l’humain. Amplifiés par la caisse de résonance des réseaux dits sociaux, les immondes propos intolérants et xénophobes répandus, tel un poison, par la présente campagne électorale, les raisonnements fallacieux assis sur des « vérités alternatives », les dénis effarants du droit, ainsi que les instrumentalisations éhontées et les falsifications sans vergogne de l’histoire mettent gravement en danger notre chère et vieille démocratie en encourageant désormais ouvertement l’hostilité à des catégories de populations jugées responsables de tous les maux. On sait ce à quoi ce genre d’allégations a mené par le passé. L’Histoire, elle, ne ment pas. Mais elle peut bégayer. Il est encore possible d’éviter le pire. C’est pourquoi, épris du désir du bien commun et adversaires résolus des extravagances extrémistes porteuses de discordes haineuses, fauteuses de guerre civile et sources de malheur public, nous lançons un appel pressant à faire bloc face à l’infâme et à s’opposer implacablement à lui par la raison, la culture et la commune humanité, convaincus que les Français, forts de leur histoire, sauront se mobiliser pour rejeter l’extrémisme. »

Ce texte révèle un décalage troublant entre la fantasmatique « années 30 » que son esprit véhicule et la réalité inédite présente.
En effet, en France, de nos jours, si les problématiques cruciales liées à l’immigration massive et incontrôlée, ainsi que celles portant sur la place de l’islam dans notre société, sont devenues majeures dans le débat public, personne ne promeut un projet délirant de hiérarchisation raciale et de conquête d’un espace vital, comme ce fut le cas dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres.
Point de Hitler en vue dans la France de 2022, mais bien une volonté des auteurs du texte de pratiquer la classique reductio ad hitlerum de ceux qui expriment des propos non politiquement corrects.
L’esprit totalitaire n’est pas toujours là où l’on croit le percevoir. A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill annonçait prophétiquement que « les fascistes de demain s’appelleront eux-mêmes antifascistes ». L’antifascisme était d’ailleurs une création stalinienne qui avait permis au dictateur soviétique de se poser en défenseur de la démocratie, tout en brisant le front uni des anticommunistes occidentaux.
C’est donc plus dans l’héritage intellectuel du bolchévisme qu’il faut rechercher l’esprit qui inspire l’appel de l’APHG. Cet esprit fut forgé par Willy Münzenberg, le génie stalinien de la propagande qui avait mis au point les quatre stratégies permettant de pervertir une opinion publique : Susciter l’émotion au détriment de la raison. Utiliser le mensonge au même titre que la vérité. Faire passer le message par les intellectuels plutôt que par les militants. Discréditer les propos et la personne de l’adversaire pour éviter le débat.
Tout est dans l’appel de l’APHG. Ce texte qui prétend dénoncer la haine frappe par la violence des termes utilisés : « haine », « falsification », « immonde », « poison », etc. Le moins que l’on puisse dire est que ces mots ne relèvent pas du champ lexical de la sage raison et l’observateur distancié peut s’interroger sur l’effet miroir qui affecterait les consciences qui les ont utilisés.
Les auteurs du texte en appellent aussi à la « supériorité de la vérité historique », mais il est à craindre qu’ils confondent celle-ci avec la vérité officielle. Car chacun sait que l’histoire enseignée est orientée en fonction du tropisme idéologique qui caractérise le système en place.
Et la superstructure idéologique qui structure notre société moderne, façonnée à partir de 1945 par les communistes, puis ensuite par leurs héritiers, a été convertie à un marxisme culturel qui fonde un certain nombre de postulats idéologiques sur lesquels se construit aujourd’hui cette histoire officielle.
Personne ne peut donc prétendre détenir cette vérité historique qu’il est du devoir de l’historien honnête de rechercher toujours.
Les auteurs se posent aussi en défenseurs de la « République généreuse et fraternelle ». Là encore, le terme de « République » doit être perçu au travers du prisme idéologique. En effet, il est à craindre qu’il s’agisse-là d’une idéalisation de la République à mettre en lien avec le modèle des ex-républiques soviétiques, qui fut, tout comme l’idéal communiste, une illusion dangereuse.
Dans la réalité, être républicain, c’est d’abord exercer son discernement et prendre ses responsabilités en conscience, pour le bien commun, et hors de toute influence ou contrainte idéologique. La véritable responsabilité républicaine, c’est la mise en cohérence de l’idéal et du réel.
Finalement, ce texte de l’APHG révèle surtout la part d’adolescence qui détermine la prise de position naïve de ses auteurs.
En revanche, ces nouveaux Don Quichotte chargeant les moulins à vent qui leur cachent le changement de paradigme sociétal en cours, ne s’indignent aucunement de l’instrumentalisation éhontée de la crise sanitaire par un pouvoir qui œuvre à la mise en place d’un système gravement liberticide. Pas plus qu’ils ne s’offusquent de la privation, pour des millions de Français qui ont fait le choix en conscience de ne pas se faire vacciner, d’un certain nombre de leurs droits, une première en France, depuis 1944.
Là est la véritable infâmie qu’il faut dénoncer !

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